active learning, any time, any place and anywhere 2: La génétique moléculaire du cancer du sein
Sommaire: Auteurs: Georges Chalhoub, Laure Diaz et Elise Kolosa. Etudiants du module BCP608 » signalisation cellulaire «, Université Bordeaux, Mai 2007. Images: Cliquez ici pour télécharger tous les images en grand format. I Introduction
La transformation cellulaire est un processus dans lequel la cellule, à cause de modifications dans son ADN, ne fonctionne plus dans l’intérêt de l’organisme, c'est-à-dire, qu’elle échappe progressivement à tout contrôle physiologique et surtout à la régulation de sa prolifération. La cellule transformée engendre une masse cellulaire qu’on qualifie de tumeur (gonflement) et c’est pour cela que l’on parle de cellules tumorales. On distingue des tumeurs bénignes et malignes. Dans une tumeur bénigne, les cellules conservent, plus au moins, des fonctions et une morphologie normale. Elles n’interfèrent pas encore d’une manière destructive avec leur environnement et ne s’infiltrent pas dans d’autres tissus. Cependant, elles se divisent activement: c’est l’hyperplasie. Dans une tumeur maligne, la transformation cellulaire est tellement avancée que les cellules ont perdu leurs fonctions physiologiques mais ont obtenu la capacité de se détacher de leur tissu d’origine et de se disséminer dans l’organisme entier. Ainsi elles forment des tumeurs secondaires (les métastases) qui tôt ou tard gênent gravement le propre fonctionnement de l’organisme et lui deviennent fatales. On réserve le terme » cancer « souvent pour indiquer une tumeur maligne. Néanmoins les termes cancer et tumeur sont utilisés indifféremment. Selon les différents types de cancer la durée de cette transformation varie, entre un ou deux ans ou des dizaines d’années. Les cellules pleinement transformées changent de morphologie et deviennent hypersensibles aux signaux de prolifération (signaux de croissance). Elles sont également moins sensibles aux signaux de suicide (elles survivent dans des conditions ou les cellules normales meurent) et elles rongent la matrice extracellulaire (ou induisent d’autres cellules à le faire) pour se disséminer dans l’organisme. Les anomalies surviennent a priori dans les cellules souches qui constituent les tissus. Un bon exemple de cellules souches est donné par la moelle osseuse rouge, située en abondance dans les os plats, et qui produit des millions de cellules du sang tous les jours. Les cellules souches étant des cellules qui prolifèrent très activement, sont soumises à des risques d’erreurs élevés. Dans certains cas, ces erreurs se répandent rapidement dans le tissu entier (tube digestif, peau, sang, sein, utérus, poumons). Cellule souche: fait référence à » souche «, terme par lequel on désigne la partie d’un arbre qui reste en terre après que l’on ait sectionné le tronc et à partir de laquelle de nouvelles pousses sont susceptibles de grandir pour donner un nouvel arbre (régénérescence et renaissance).
Les mutations de gènes responsables de ce phénomène peuvent être de deux types:
Pour qu’une cellule se transforme, il faut que les mutations surviennent dans un ordre précis, afin d’échapper à la surveillance de l’organisme. Par exemple, sur un modèle in vitro, il faut:
Cet ordre est important car une cellule saine n’accepte pas facilement de mutations transformantes: elle protège l’organisme en se suicidant ou en devenant sénescente (arrêt définitif de la prolifération). Les anomalies dans l’ADN sont détectées par de nombreuses protéines qui s’associent à lui. La protéine TP53 tient une place spéciale car elle communique les erreurs vers la cellule pour que: 1) elle ralentisse sa prolifération pour avoir le temps de réparer son ADN ou; 2) elle induit un signal de suicide pour éviter que les erreurs soient transmises à la descendance. Pour cela on appelle TP53 la gardienne du génome, qualifiée de suppresseur de tumeur. Le constat est fait que dans de nombreuses tumeurs, la TP53 elle-même est modifiée. Cette modification entraîne une perte de fonction qui porte donc la cellule à accumuler les erreurs dans son ADN car TP53 ne peut plus prendre les mesures qui évitent le pire (la transformation progressive de la cellule). Figure 01 Les altérations de l’ADN et la role des produits genotoxiques Certaines mutations ont lieu dans les cellules somatiques, cellules qui constituent le » soma « (le corps). D’autres affectent les cellules germinales, cellules qui constituent le » germen « (organes reproducteurs, ovaire et testicule). Les anomalies dans les cellules germinales seront transmises à la descendance. On observe donc des » cancers familiaux « ou » cancers héréditaires «. Certains cancers du sein sont héréditaires, ils sont caractérisés par une apparition relativement précoce (avant 50 ans) et par un défaut dans la protéine BRCA1 ou BRCA2. Nous allons le voir en détails. II Les anomalies moléculaires dans le cancer héréditaire du sein
On distingue cancer du sein à caractère familial d’une part et à caractère héréditaire d’autre part:
Il est important de noter que souvent on a cherché les anomalies de l’ADN liées aux cancers uniquement dans les séquences codantes de l’ADN, c’est-à-dire dans les gènes. Les gènes ne constituant que ~1,5% de tout notre ADN, il est fort possible que les mutations les plus nombreuses et également importantes, soient situées dans l’ADN non-codant (et donc pas détectées). Une analyse moléculaire de l’ADN chez des sujets atteints de diabète de type II, montre que la plupart des mutations ponctuelles se trouvent dans les séquences non-codantes. Ces anomalies ont certainement leur effet sur la manifestation de la pathologie mais on ne connait pas encore le mécanisme sous-jacent. Concernant l’incidence du cancer on doit prendre aussi en compte les facteurs environnementaux comme l’alimentation, l’exposition hormonale et l’âge de la première grossesse. III Les gènes impliqués dans le cancer héréditaire: mutations dans la lignée germinale
BRCA-1 Analysant dans cette optique une série de familles américaines, dans lesquelles le cancer du sein s’est manifesté sur deux ou plusieurs générations consécutives, des anomalies dans le gène Brca-1 (pour breast cancer susceptible protein-1) furent mises en évidence. Brca-1 est un gène de 100kb, situé sur le chromosome 17 locus q21, qui code une protéine de 1 863 acides aminés (poids moléculaire 207 kDa). Plus de 800 mutations ont été recensées dans le gène et elles sont spécifiques à chaque famille. L’anomalie génétique de BRCA1 est transmise de façon dominante c'est-à-dire qu’un seul allèle est suffisant pour augmenter considérablement les risques de cancer. Cependant, la pénétrance est incomplète. Autrement dit, les femmes porteuses de cette anomalie n’ont pas un risque à cent pourcent de développer un cancer du sein. Les hommes porteurs d’une anomalie de BRCA-1 n’ont aucun risque supplémentaire de développer un cancer. Les mutations portant sur brca1 sont estimées être responsables de 45% des cancers du sein à caractère héréditaire. De plus, les porteurs de l’anomalie ont un risque 4 fois supérieur à la normale de développer un cancer du colon. Pour les hommes, le risque de cancer de la prostate est multiplié par 3. La protéine BRCA-1 fait partie d’un complexe protéique qui vérifie l’état de l’ADN (mécanisme de surveillance), contrôlant la régulation du cycle cellulaire (taux de prolifération) et agissant sur la réparation de l’ADN via une interaction avec la protéine TP53. Une réduction de BRCA1 fonctionnelle se traduit par d’un défaut de réparation de l’ADN, qui, avec le temps, augment le risque de transformation cellulaire. Les autres protéines du complexe de surveillance sont: MSH2, MSH6, MLH1, ATM, BLM, PMS2 et le complexe RAD50-MRE11-NBN. BRCA-2 Malgré son nom, ce gène ne ressemble pas à brca-1. Il est situé sur le chromosome 13 locus q12-13. Il code une protéine de 3418 acides aminés (poids moléculaire 364 kDa). Plus de 200 mutations différentes y ont été recensées. Le risque de cancer du sein des femmes porteuses d’une anomalie de BRCA-2 est d’environ 55 à 85%. La protéine est impliquée dans la réparation des cassures double-brin de l’ADN. Elle joue aussi un rôle dans le bon déroulement des recombinaisons homologues lors de la méiose. Cette protéine est également composante d’un complexe de surveillance de l’ADN en interagissant avec RAD51, DSS1 FANCD2, PALB2 et WDR16). ATM L'Ataxie télangiectasie (notée AT), ou syndrome de Louis-Bar, est une maladie récessive de l'enfant caractérisée par un syndrome cérébelleux (ataxie signale la difficulté de la marche), des télangiectasies (couperose due à la dilatation des petites veines à la commissure des yeux, sur les joues et sur les oreilles), une anomalie du développement des glandes sexuelles et des infections récidivantes causées par un déficit immunitaire. On observe également un risque de cancer augmenté. Des études ont montré que les femmes hétérozygotes AT (un des deux gènes affectés) ont un risque de cancer du sein multiplié par trois par rapport à la normale. Le gène est situé sur le chromosome 11. La protéine ATM est une protéine kinase de 370 kDa impliquée dans la détection et la signalisation des cassures double-brin de l'ADN. En effet, en réponse aux dommages de l'ADN, l'activité kinase de la protéine ATM augmente, phosphorylant les protéines telles que TP53, c-Abl, RPA, MDM2, Chk2 et p95/nibrine, toutes jouant un rôle dans le contrôle du cycle cellulaire, la réparation de l'ADN ou l'apoptose. Les deux protéines, ATM et BRCA1, sont fonctionnellement liées dans le même processus de vérification de l’état du patrimoine génétique. Il a été montré qu’en réponse à l'irradiation, ATM phosphoryle BRCA1 à plusieurs sites permettant ainsi la régulation directe de son activité. TP53 Les mutations dans la region intronique de tp53 (dans la lignée germinale) peuvent être associées au cancer du sein (et aussi de l’ovaire). La protéine TP53 est également impliquée dans la vérification de l’état de l’ADN. Elle occupe une place clé dans la communication des erreurs vers la cellule. En cas d’anomalie, la protéine TP53 a deux choix: soit elle arrête la division cellulaire et mobilise les facteurs impliqués dans la réparation de l’ADN, soit, dans le cas des dommages importants, elle induit la mort cellulaire (apoptose) pour éviter que ces anomalies soient transmises vers sa descendance. Un défaut de fonctionnement de ces protéines, ou leur absence, font que la cellule entretient mal son patrimoine génétique. Cette absence prive également la cellule de sa capacité d’apoptose consécutive à un constat de défaut de l’ADN. BCRA1, BCRA2, ATM et TP53 sont toutes qualifiées de »suppresseurs de tumeur « car une perte de fonction, dû aux mutations du gène, conduisent vers une forte augmentation du risque de cancer. Figure 02 Fonction de BRCA, ATM et TP53 Cliquer ici pour une excursion succincte sur l’ADN, l’ARN et la synthèse protéique ainsi que les modifications de l’ADN et leur rôle dans la transformation cellulaire (évolution d’une cellule normale vers une cellule cancéreuse). IV De nombreuses mutations détectées dans le cancer du sein
Les anomalies détectées dans les cellules en provenance d’un cancer du sein ne se limitent pas aux gènes évoqués ci-dessus, qui ont d’abord attiré l’attention car impliqués dans la forme héréditaire du cancer du sein. Mais, de nombreux d’autres gènes sont aussi impliqués dans le développement du cancer. Il est probable que la plupart de ces gènes soient mutés durant la vie, c'est-à-dire, qu’ils présentent des mutations autosomales (non-transmises vers la descendance) (voir liste ci-dessous). Cependant, les tumeurs du sein ne portent pas toutes les mutations citées, mais seulement quelques unes (chaque tumeur a sa propre » signature « de mutations). Cette liste montre bien la complexité de la maladie. Le message pédagogique fort de ce tableau est que le cancer n’est pas la conséquence d’un seul défaut qui puisse être ciblé et corrigé par un seul médicament. Le choix de la cible très difficile et même si une cible clé est étiquetée, le fond génétique du malade apportera encore une autre incertitude quant à l’efficacité de la thérapie.
Parmi cette liste, on trouve notamment le gène ERBB-2 et le gène ESR. Nous allons nous intéresser dans un premier temps à ERBB-2. Celui-ci est impliqué dans de nombreux cancers, et en particulier dans le cancer du sein. Puis, dans un second temps, nous nous pencherons sur ERS, qui est le récepteur à l'œstrogène. V ERBB-2 code un récepteur impliqué dans la signalisation des facteurs de croissance: le récepteur à l’EGF et l’épiréguline
ERBB2, présent dans toutes les cellules normales, appartient à la famille des récepteurs à l'EGF (epidermal growth factor). Le gène codant ERBB2 est situé sur le bras long du chromosome 17. Comme nous le verrons dans le projet du groupe 3 ce récepteur est impliqué dans la transmission du signal de certains facteurs de croissance. Dans 30% des cancers du sein, ce récepteur est fortement surexprimé, en raison de multiples copies du gène qui se sont installées dans le patrimoine génétique Cliquer ici pour une excursion succincte sur l’ADN, l’ARN et la synthèse protéique ainsi que les modifications de l’ADN et leur rôle dans la transformation cellulaire (évolution d’une cellule normale vers une cellule cancéreuse). Figure 03 La localisation chromosomique d’erbb2 et son amplification dans le genome des cellules en provenance de la glande mammaire cancéreuse. Un excès d’expression d’ERBB2 amène à une signale forte de croissance cellulaire. Une seul famille de gènes, plusieurs appellations
Le récepteur d’EGF a été mis en évidence dans différents domaines de la cancérologie ce qui explique la diversité de nomenclature. Les premières études ont porté sur l’avian érythroblastosis virus, induisant les érythroblastoses chez le poulet. Ce virus portait un oncogène qualifié ERBB (avian erythroblastosis oncogen B) dont on ignorait la fonction et l’identité. Le facteur de croissance EGF et son récepteur EGFR ont d’abord été caractérisés chez le rat (où ils augmentaient l’épaisseur de la peau pendant le développement). Puis, son équivalent a été caractérisé chez l’Homme pour son implication dans la cancérogenèse et qualifié de Her (human EGF receptor). En parallèle, dans des études effectuées chez le rat, le gène » neu « a été rendu responsable de la formation de neuroglioblastome. Ce n’est que plus tard, après une caractérisation moléculaire de ces » différents « gènes (par séquençage de l’ADN), qu’on a montré qu’ils étaient étroitement apparentés. Ils furent regroupés sous l’appellation erbb (avec quatre membres, erbb1, 2, 3 et 4). Références clés
VI Techniques de diagnostic
Nous nous limiterons ici à la description des techniques diagnostiques qui mettent en évidence (ou pas) la surexpression d’ERBB2 (son gène et la protéine produite) et la présence (ou l’absence) du récepteur aux œstrogènes.
Maintenant nous allons nous intéresser au récepteur aux oestrogènes. VII Les œstrogènes et leurs récepteurs
Les œstrogènes sont des hormones stéroïdes synthétisées et produites de façon prédominant par les ovaires (au cours du cycle menstruel). Une production modeste est assurée par les testicules et par les tissus adipeux. Il existe trois formes d’œstrogène endogènes:
Ces hormones ont plusieurs fonctions, chez les mammifères elles agissent sur le système reproducteur, le système cardio-vasculaire et les os. Comme nous l’avons vu dans le projet du groupe 1, les œstrogènes jouent un rôle important dans le développement de la glande mammaire (surtout pendant la grossesse). Ils coopèrent avec les facteurs de croissance en provoquant la prolifération des cellules épithéliales qui constituent les lobules et les canaux. Leurs récepteurs (appelés ER) appartiennent à la super famille des récepteurs nucléaires qui sont des facteurs de transcription activés par la liaison leur ligands (un des œstrogènes dans ce cas). Les récepteurs sont composés de trois domaines:
Figure 04 Structure cristallographique de Era (voir PDF article Goodsell) L’expression d’environ 150 gènes est influencée par les oestrogènes. Le gène ERS1 code le récepteur aux oestrogènes. Il est traduit en deux protéines légèrement différentes: ERa et Erβ. ERa induit une activation de la transcription des gènes tandis qu'ERβ inhibe cette transcription. VIII Le rôle d’ERS1 dans le cancer du sein
A ce jour, aucune mutation, ni surexpression, du gène ERS1 n’a été détectée dans le cancer du sein. En effet, dans certains cas, la tumeur exprime très peu de récepteurs. Par son effet proliférateur, le récepteur aux œstrogènes augmente le volume de la tumeur et il augmente le risque que d’autres mutations surviennent. C’est pour cela qu’une forte expression est l’indicateur d’une forte évolution du cancer. Bloquer le récepteur (par tamoxifen) ou bloquer la production des œstrogènes par les inhibiteurs de l’enzyme aromatase (anastrazole, exemestane ou letrozole) a un effet préventif. Ces médicaments réduisent le risque de rechute de 30%. IX Conclusions
Les recherches sur la génétique du cancer du sein avancent chaque jour. Comme nous l'avons montré, de nombreux gènes impliqués dans le cancer du sein ont été identifiés. On commence à connaître l'action de certains, comme BRCA et ERBB2, mais il reste une centaine de gènes à étudier, et probablement d'autres à découvrir. Afin de mieux comprendre cette maladie, il faut étudier ces gènes, les protéines qui en découlent, ainsi que leur voie de signalisation, démarche primordiale dans l'élaboration des traitements.
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Last Updated August 31, 2015 10:13 PM | admin news | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||